Abdelmonem Ramadan*
1951
(Le Cuire, Egypte)

Abdelmonem RamadanTu peux poser le bout des doi!ts
Sur les touches du piano
Et enfouir ta voix entre celles des canaris et des cascades d'eau
Mais ta ne peux poser tes pieds sur terre.
Toi, qui t'élèves Si fort au-dessus de tes rêves
Le sifflement du dernier train
Si!nifie que c'est le premier qui arrive,
Comme une calme nostal!ie de l'on!inel.
Ne mets pas la nuit dans ta poche
Accompa!ne-la jusqu'au lit
Aprês le repos
Dénoue lacets et a!rafes
Nettoie su tête pleine de poux
Puis mets-la entre tes testicules...
Et remplis ta !orqe meurtrie de voix d'animaux
Tu te perdras
Tu bâtiras une pi&e sans mur
Tu peux étendre tout ton corps vers Dieu
Mais tu es incapable de t'étendre sur Marie
Je ne sais comment ta plume !lissait sur les coulenrs
Comment tes chants avaient emprisonné toute la lumière
Ne laissant pas une seule lueur,
même pour une vache dans un pré.
Tu n'as pas vu Le dernier tan!o
Tu n'as pu voir Le dernier tan!o
La nuit dans laquelle tu te nichais

Marchait à tes câtés
Te cmi!nant comme un vieillard
Dont seul le bâton tambourinait
Écoute
Tu auras la nostal!ie d'une autre nuit
Qui se !issera par les fenêtres,
Se déchaussera pendant la journée, face au soleil.
Qui, lui, se d!uisera
En un chat noir assis à tes pieds
Tu peux voler au-dessus de la muraille
Jeter des re!ards aux étoiles
Pendant qu'elles se !ar!ouillent de lumière
Inviter quelques-unes pour un voya!
Mais moi, je t `invite à la hâte
Toi, qui t'élèves si fort au-dessus de tes rêves
À sortir de ton éternité
Et venir voir avec moi Caligula
et La dernière tentation du Christ
Et la revue Play-Boy
Ainsi, surpris par la fin du monde
Tu pourras aimer ton corps oisif
Et non pas ce corps transparent.

(Mohamed Sehaba)

I'woc«tion
(Extrait)

Au nom du père / du fils I du Saint et au nom de Dieu I etde la pe!ite soeur Narimane. / Au nom de Nabila / ou Dorreyci lAu nom de Maha / et des membres sur les murs du temple I Au nom du temple I au nom de l'ange !u repos I Quand le roi sortit à la rencontre de ses frères I Il s'honoialt du vin de la famille I bu'ait deux carafes  et jouait : I Ma tête est forgée d'un or pur I Mon oeil est un vol de pigeon sur les cauaux I Les mèches de mes cheveux dénoués sont noires comme un corbeau assis sur un terne I Mon ventre est d'ivoire broché de hyacinthe bleueî mes lèvres sont d'iris et de basilic I Mes mains sont chargées d'ornernents I [! .!] Le roi sortit seul au jardin I Un groupe de soldats pourchassait les colombes I Huit jours de Dieu I esquivèrent leur heurel l'e roi aimait les jours en fuite I Rêvait de les chevaucher un soir I Quand le roi courut vers eux 1 Il dit attends I Tu es le premier jour comment t'appelles-tu ? I-Je nes'ds pas I - Comment es-tu entré dans mon jardin? I-Je suis venu à pied I J'ai beaucoup marché et je suis plein de poussière I J'ai su que samedi i Le roi irait au désert IVolemit une bergère à son berger I J'ai eu peur d'être un samedi I - Et toi ? I - Le dimanche est trés chagrin I Dieu y oublie ses mains sur les murs de l'autel I La beigère, le roi la presse I De se glisser dans su chambre I J'avais peur d'être dimanche i - Et toi? I - Il est trés étrange que tu me demandes I Quand j'ai vu mon père s'éti rer dans les auvemes I Manger comme un animal terrifié I Raaonter que le roi dort dans les branchages de la reine I Les ausse quelques fois I Qu'il espère un autre roi sous I son lit parfois I Et lui dit de se dépêcher de se coucher là I Avant l'aube I Il se lasse / Dépose son bâton prés d'elle I Passe dans les chambres I Derrière le roi, le vent court I Et file su chanson : I « La brebis a vaincu I A pris mon habit s'en est allée vers la plaine » I Il n'est pas étrange que ru me demandes I Mon père désimit ne pas être ven dredi I Que le roi s'en fut vers su retraite I Il pensait au vin de la famille I Buvait deux verres 1 S'asseyait sur un siège I Mettait en ordre ce qui ne l'avait pas lui I Ses doigts I Ses yeux I Les lignes de su main I les restes du rêve : I Le ciel de mon amour est comme l'armée des génémux I Les dents de mon amour sont un rang de brebis I Les cheveux de mon amour un troupeau de chèvres I La joue de mon amour comme une grenade I Les courbes de la cuisse de mon amour comme des bijnux I Le ventre de mon amour une lanterne veillant I Le nombril du ventre de mon amour I Est une coupe qui se passe de vin I Son sein est une biche à deux ailes I Sa nuit est plus longue que la robe de la terre I Sa voix mots blancs I Poèmes en marche comme touffes de laine qu'on carde17 I Et la maison de mon amour est de bambou I À la fin du rêvel Le roi dort I La fourmi s'empresse vers son genou I Quand il tombe I Le choeur vient i Au nom du père I Du fils I Du saint esprit I Au nom de Dieu I Et de la petite soeur Narimane

(Catherine Farbi)

17 coran

Accueil des fruits de naphtaline

Celui qui meurt
Celui qui meurt dans la rue
Celui qui meurt au bout de la dernière ruelle menant à la tour
Celui qui meurt la tête incliné sur son souffle
Celui qui meurt sans brume sur le toit de la maison
Celui qui meurt avec résignation comme un ange pur
Celui qui meurt parce que l'avenir c'est lu mort
Celui qui meurt pour se laver
Celui qui meurt pour que s'èveillent ses choses personnelles
Celui qui meurt vraiment
Celui qui meurt le regnrd sur le verre vide
Celui qui meurt parce que nous avons lavé ses lèvres de psalmodies
Celui qui meurt purce qu'il sera haussé sur les épaules
Celui qui meurt chaque jour
chaque jour
N'est pas le Christ
N'est pas l'un d'entre nous
N'est pas celui qui a embrassé le monde
N'est pas le responsable de notre crime dans le rire
N'est pas la poupée suspendue à l'épaule de Dieu
N'est pas le vent qui ne re!arde pas devant
N'est pas devant
N'est pas l'individu
N'est pas Dieu
Ni les invités!

(Mohamed Sehaba)

* Auteur de trois recueils poétiques Le Rève est l'ombre du temps, le rêve est l'ombre de l'espace (1980), La Poussière 0111e séjour du poète sur la terre (1994) et Avant le bord de l'eau (1994), Abdelmonem Ramadan, dans son poème Invocation, (Ibda', Créativité, avril 1995) qui lui vaut un procès retentissant dans son pays, s'est emparé de l'« esprit frap peur» de Georges Heinen, dans la langue arabe cette fois, pour saper les connotations religieuses du langage sur lesquelles se construit le rapport entre une culture et son patrimoine. Cette liberté, qui goûte à elle-même dans l'exercice de la parole profane, affronte aujourd'hui les juges, les bureaucrates et les embusqués djihadiques. Sa poésie, qui se nourrit de l'expérience surréaliste du langage, révèle une rupture pleinement consommée avec la rhéto rique consensuelle présente chez bon nombre de poètes égyptiens. « Une des préoccupations majeures du poète devrait être la construction de l'ici et maintenant. Le poète est un cordonnier, un artisan modeste comme le commun des mortels. Une personne tout à fait ordinaire parmi les siens. Le poète, d'après moi, ne voit pas mieux que les autres. Peut-être même que les autres ont des facultés supérieures aux siennes. Il ne lui incombe pas le droit de parler, en leur nom, de leur passé et de leur avenir. Le poète moderne est celui qui respecte son lecteur. Il lui octroie le droit de poursuivre l'écriture du poème. Un lecteur qui a toute liberté de lire le texte dans un temps différent avec une vision différente. La seule et unique counaissance que détient le poète est celle de son propre corps. C'est sa seule possession que personne ne peut par tager. La seule manière de communiquer avec l'autre est de dire ce qui est complètement différent de l'autre, à savoir son corps. Parler au nom de son peuple, des peines de sa nation ou de ses joies n'est plus du ressort du poète. Le poète est un individu et non pas un groupe et son texte est fait pour diviser ses lecteurs et non les ras sembler ». (Extrait d'un entretien avec Abdelmonem Ramadan publié dans al-Ahrdm hebdo, 1995, n0 18).

Le poéme arabe modrne
Anthologie établie
Et presentée
Par Abdul Kaber ElJanabi