Buland Al-Haidari

BULAND AL-HAIDARIVous êtes arrivés avec l'aube
et il y avait là ,
en ce lieu oû l'on tuait
sans raison, où l'on tuait
sans relâche
derrière la porte de la prison..
oui, il y avait là celle
qu'avait élue le désir,
à présent en proie à l'accablement.

Il y avait là, prêtes à la trahison,
mille mains qui dérobaient
de ma memoire,
de mon libre sang, la vieille convoitise
que la noirceur des nuits nourrit
dans l'attente de l'aube.
Vous êtes arrivés et nous étions là,

attendant en silence l'heure
du massacre.
L'homme sera-t-il crucifié?
Les flammes consumeront-elles
nos maisons,
nos petits?
Tout cela parce que nos rêves envisageaient
la venue de l'aube?

Mais vous êtes arrivés,
et nous étions là,
à nous demander d'où viendrait
celle qu'avait élue le désir.
D'où viendrait-elle?...
Elle ne viendra pas.
Le soleil ne se lèvera pas
et au fond de la maison
déjà s'enfoncent dans la mort
les pas de mes enfants,
réduits au silence.

D'où viendrait-elle?...
Elle ne viendra pas,
car notre prison est aveugle,
sans lucarne,
car notre chemin s'enfonce et se perd
dans un gouffre,
car nous sommes sans puissance
et sans force.
Mais vous êtes arrivés
et nous étions là.

Telle est l'histoire de notre hier
et son goût est amertume;
telle est notre marche lente, le cortège
de notre dignité:
notre seul bien jusqu'à l'heure où se lèvera
enfin une aube libre.

  BULAND AL-HAIDARI
  (1926 - 1996 )

Iraquien mais d'origine kurde, il devra interrompre ses études pour gagner sa vie. La poésie dès lors sera son viatique. Il commence a publier en 1943: Aghâni al-madinat al-mayyita (Chansons de la ville morte); Dji'toum ma' al-fadjr (Vous êtes arrivés avec l'aube)... D'un pessimisme désabusé,il excelle malgré cela a rendre la sourde espérance des foules en marche, solidaire en tout temps, en tout lieu, des déshérités de la vie.

(Traduit par M René R: Khawam.)
La Poesie arabe
Anthologie traduite et presntee par
Rene R. Khawam
Phebus liretto
Mars 2000