Tout poète désire de toutes ses forces créer son jardin poétique secret, un jardin où ses fleurs vivent en pleine liberté et donnent leur parfum sacré au monde entier. Pour réaliser cette création poétique tant désirée, le poète a besoin d’être seul de temps à autre, il a besoin de son espace. Sa créativité se nourrit parfois même d’une grande solitude qui dépasse l’ordinaire. Selon l’expression de l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, le poète aspire à la plus haute solitude pour voir et revoir sa vie avec un autre œil, l’œil du cœur qui n’est pas l’œil de la raison.
Cet œil du cœur dont la vision dépasse les choses, aide le poète à construire son univers poétique, à créer des images nouvelles entre les mots et les choses, comme le dit si bien le philosophe français Michel Foucault. Ce jardin poétique doit être plein d’amour et plein de souvenirs et presque tous les poètes déclarent leurs passions à partir de cela.
C’est ainsi que dans Nue de Nuits, recueil de poèmes en français de notre poétesse plurilingue Déa L’Hoëst, l’amour déclare son existence à haute voix car la poétesse le vit avec toute la force sentimentale de l’enfant, de l’adolescente et de la femme mure. Dans ses poèmes, l’amour devient le tournesol qui cherche toujours le visage de la lumière, le visage du soleil, d’un soleil fort mais plein de tendresse. C’est un univers poétique où le choix des mots et des images construit le temps de cet amour merveilleux.
Chantant l’amour de la vie et de la liberté, la poétesse revient souvent à ses souvenirs, cherchant dans sa mémoire les moments forts à côté des êtres chers. Dans maints poèmes elle peint ainsi les moments fuyants de cet amour extraordinaire du monde.
Lisons ces beaux vers tirés de son poème « En attendant le phoenix » pour bien comprendre sa vision du monde :
« Premiers souvenirs
Le noir des épicéas
Que nous traversions
Tous les deux, main dans la main,
Douceur des hêtres,
Et si rugueux les chênes
Savants guérisseurs
Des pires des blessures »
Ici, la poétesse fait appel à ses souvenirs d’enfant se promenant dans les bois, petite fille sans vue guidée par son grand-père, pour revivre sa passion naissante de la nature, l’envie de découvrir les choses, de voir le monde avec un œil qui ne voit que la beauté des choses. Cet amour est tourné vers la terre, les fleurs, les oiseaux, vers un monde qui semblerait ne pouvoir exister que dans les rêves.
« Souvenirs de joies :
Rochers ébène de Cornouailles
Contrée sauvage,
Grand royaume des goélands,
La fin des terres
Partage mer, vent, soleil
Et ses falaises
Avec les oiseaux, moutons,
Vaches et chevaux,
Dans leurs près délimités
Par des murailles
En pierrailles ramassés. »
D’autres souvenirs de joies viennent à l’esprit de notre poétesse puisqu’ils ramènent avec eux les images de la terre mère. Jusqu’au point où elle voit dans le miroir du temps la petite fille qui lui ressemble parfaitement, et qu’elle est restée, jouant avec le sable de la mer : ou bien est-ce la jeune femme qui sent le souffle doux d’un vent du large et les rayons clairs d’un soleil plein de douceur ?
La poétesse nous raconte son ivresse de vivre avec des mots simples mais profonds, avec des images métaphoriques pleines d’émotions vives. En déesse, en nymphe hors du temps, elle fait revire son monde à travers des mots poétiques bien rythmés, à travers des images chaleureuses en regardant le beau reflet d’elle en pleine nature, toute nue, telle Eve, ou plutôt telle Lilith, libre de tout devoir obligatoire, ivre de ses désirs naturels et de ses passions personnelles.
Pour décrire cette scène captivante faisant appel à des images de la mythologie grecque dans leur signification la plus riche et la plus touchante, elle écrit :
« Oui je me souviens :
Heureuse j’ai couru nue
Dans le sable chaud
Coulant de cette dune
Blanche sur la mer
Et les vagues m’ont chanté
De tous les espoirs. »
L’amour ne se cantonne pas aux limites d’une personne. Il la transcende. Dans ce même poème la poétesse ouvre son cœur aux malheurs des autres, dénonçant en humaniste les traces des guerres et autres brutalités sur la vie des êtres humains, pleurant leur destin et faisant appel implicitement, à partir de cette même dénonciation, à la paix et à l’amour pour toute l’humanité.
Oui, la vraie poésie vient de tout cela, vient du fond du cœur, vient des sentiments ardents qui font couler les eaux douces quelquefois et les volcans forts d’autres fois. Mais la poésie, quand elle nous vient, sait créer un autre monde bien différant du réel, un monde imaginaire, un monde où règne l’amour.
Ainsi entre le temps de l’amour de la terre et du ciel, l’amour de la nature dans toutes ses manifestations et l’amour des amis, Déa L’Hoëst a su créer un univers poétique riche en émotions, passions, aspirations. Un univers dont les images nous poussent vers le rêve, où les mots prennent des significations multiples, chantant dans l’absolu la beauté, la bonté, l’amour, le plaisir, la volupté et la place de tout un chacun comme de toute chose dans un monde où tout est lié, où nous sommes tous un.
Possédant le talent d’écrire et de peindre avec les mots simples des toiles fascinantes, Déa L’Hoëst nous déclare avec la simple force poétique des grands poètes qui savent faire bouger les cœurs de leurs lecteurs :
« De mon regard
Naissent des mots
Intarissables flots
D’images éparses vives en couleur. »
N’hésitons pas d’entrer dans le monde de ses poèmes, car ce monde-là est réellement merveilleux.
Déa L’Hoest : Nue de nuits. éd Mille Poètes LLC 2006.