L’exposition des sculptures spirituelles
Parmi les branches il surgit
Disparaît
A peine tu aperçois
La face de l’Evanescent
Un petit trou
Où stagne l’eau des rêves et des secrets
Un grand trou sombre
Où stagne la mer.
Qui murmure par les nuits au clair de lune ?
A qui
Murmurent les nuits éclairées par la lune ?
La musique du fleuve
Sa vapeur, son écume, ses berges lumineuses
Un peuple de troubadours
Conservent le souvenir de ses traits
La face de l’Evanescent
La face de l’Evanescent
Si elle touche une feuille, elle jaunit
Si elle bénit une branche, elle tombe
La vie arrive par le portail du rêve
Par celui du sommeil, elle part
Quant au rêve, oiseau libre échappant à ton regard
Il s’éclipsera
Le sommeil est illusion
Seule demeure la face de l’Evanescent
Hibou
La nuit tombée
Un hibou regarde l’horizon
De ses yeux somnolants qu’illumine la sagesse du Diable
Il dit :
Nous saurons à l’instant, qui terrifie le monde
Lorsque le silence deviendra le bruissement de mes ailes
Les proies raidiront d’effroi dans leurs trous.
Il fixe la lueur lointaine
S’envole et frôle la face de la lune
Mais un serpent lui épargna l’absurdité de cet instant
En montant jusqu’au plafond du monde et en l’avalant
Alors qu’il était engourdi par la lumière du jour
Chauve-souris
Les fruits d’un arbre inconnu la saoulaient
Elle rejoignit à contrecœur la nuée de chauves-souris qu’elle détestait
Qui tuait sa personnalité distincte
Et l’accablait d’échéances à respecter
Elle voulut retrouver sa solitude
Loin de la routine
Mais tomba dans un piège tendu d’une main de maître
A une chauve-souris philosophe
Tiraillée entre l’obscurité totale et la lumière tiède
Serpent
Les fresques tombales s’effritaient
Alors qu’il passait parmi les morts hoquetant
On dirait qu’il connaissait parfaitement le chemin
Dans le pays des contes, le sien
Il pourchassait un rat
Avec acharnement, jusqu’au fond de l’enfer
Et côtoya cette tribu isolée
Qui se prosterna subitement
En l’appelant Dieu.
Papillon
Il vint en visite
Depuis la mer écarlate
Jusqu’au désert lointain et sombre
Sur les sommets enneigés des chandelles éteintes
Sa sérénité régna
Dans les yeux, le trésor du doux battement de ses ailes
La nuit est son miracle
Le jour son temple transparent
Garants éternels de son culte
Lion
Le faucon est superbe
Le léopard puissant
Mais le lion ailé
Est le dieu vénéré
L’Homme
Les oiseaux du monde le connaissent
Il fut le premier à les effaroucher
Impatient
Son pied était encore dans le fleuve
L’autre pied à terre
Lorsqu’il lança vers l’Arbre des arbres
Sa hache aiguisée comme la mort
Suscitant vacarme et poussière
Et laissant à l’avenir l’explication de son geste
Toi qui cours les bois
Tu choisis ton triste sort
En t’occupant à recevoir révélation et oubli
Comme si tu étais seul au monde
Comme si tu ne fus créé que pour cueillir l’étonnement
Pendant que foudre et chanson s’abattent sur le monde,
En deux mots et un même instant
En présence de ton corps et de ton âme
Les temps solaires
Le mélange magique des ténèbres
Renversa reflets renaissants et émanations.
De lui émanent les mots
Tous les mots se ressemblent
Sauf deux mots :
L’un sera la nuit
L’autre le jour.
Pendant le jour, tu vois les oiseaux
Tournant autour du grand soleil cuivré.
Tous les oiseaux se ressemblent
Sauf un, dépourvu de signes distinctifs
Muni de deux ailes : la peur et l’anarchie
Il fonce vers le cœur ouvert du monde.
Tous les cœurs se ressemblent
Sauf le mien :
Un fleuve de sable ondulant.
Toutes les ondes se ressemblent
Sauf deux :
L’une sera le désert
L’autre ne sera pas la mer
Une mer d’oiseaux
Tous les oiseaux
Sauf un oiseau marqué
Qui traversa toutes les mers
Atteignit le sol
Se posa sur un arbre, chanta et s’envola
Maintenant je me souviens
Il était avec moi dans l’éternité.
Sans titre
Le toucher
L’étreinte
Au pays de la lune candide
Qui dissimule le cristal pur
Dont fut créée la mer
La lune candide
Qui ignore
Que les habitants du ravin
L’adorent
Et l’appellent : Soleil.
Traduction de Walid Al-Khachab
Poète égyptien résidant en Arabie saoudite, Khaled Al-Sandioni est né en 1966 à Ménoufiya. Malgré son écriture marquée par un cachet très personnel le caractérisant dans la scène du poème en prose arabe, l'œuvre d'Al-Sandioni n'a pas reçu la lecture critique et la renommée qu'elle doit. Mis à part de nombreux poèmes publiés sur les sites littéraires comme Kikah, Elaf et Kalema, il a publié deux recueils de poèmes, Mégapolis en 1999, aux éditions Charqiyat, Le Caire, et Nemr yabtassem (un tigre qui sourit), aux mêmes éditions, en 2008.
Al-Ahram Hebdo
9 Janv. 2009-01-10