Mahmoud Darwich avait reçu à La Haye le prestigieux prix Prince Claus pour «son oeuvre impressionnante». Crédits photo : AFP
Son oeuvre au grand lyrisme était notamment marquée par les drames de l'exil et de l'occupation vécus par le peuple palestinien.
Le grand poète palestinien Mahmoud Darwich est décédé samedi dans un hôpital du Texas, au sud des États-Unis. Mahmoud Darwich se trouvait dans un état critique à la suite d'une intervention chirurgicale, avait dit plus tôt un responsable de cet établissement. Selon des proches du célèbre poète palestinien, ce dernier avait subi une opération à coeur ouvert mercredi et se trouvait sous assistance respiratoire suite à des complications. Il avait déjà subi deux opérations du coeur en 1984 et 1998.
Mahmoud Darwich, 67 ans, était l'un des plus grands poètes de langue arabe contemporains, avec une oeuvre au grand lyrisme marquée par les drames de l'exil et de l'occupation vécus par le peuple palestinien. Il avait acquis une notoriété internationale, avec près de trente ouvrages traduits en quarante langues. Son célèbre poème de 1964, «Identité» («Sajjel: Ana arabi»), sur le thème d'un formulaire israélien obligatoire à remplir, deviendra un hymne repris dans tout le monde arabe.
Mahmoud Darwich est né le 13 mars 1941 à Al-Birweh, en Galilée, alors en Palestine sous mandat britannique et aujourd'hui dans le nord d'Israël. Lors de la guerre israélo-arabe de 1948, ce village est rasé et ses habitants sont forcés à l'exil. La famille Darwich s'enfuit au Liban, où elle restera un an, avant de rentrer clandestinement en Israël. Après ses études (en arabe et hébreu) dans des écoles arabes israéliennes, Darwich s'installe à Haïfa, le grand port du nord d'Israël, où vit une importante communauté arabe.
Assigné à résidence
En 1960, à l'âge de 19 ans, il publie son premier recueil de poésie «Oiseaux sans ailes». Un an plus tard, il rejoint le Parti communiste d'Israël, une formation judéo-arabe. Il rêve encore de révolution et d'internationalisme et exprime dans sa poésie une identité palestinienne encore niée à l'époque. Il est assigné à résidence durant de longues périodes. Début des années 1970, il choisit l'exil. Il part pour Moscou étudier l'économie politique puis se rend au Caire en 1971. À Beyrouth, en 1973, il travaille comme rédacteur en chef au Centre de recherche palestinien de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) rejoignant l'organisation alors en guerre avec Israël. Après la guerre israélienne au Liban durant l'été 1982, qui a forcé la direction de l'OLP à trouver refuge à Tunis, Darwich reprend la route de l'exil: Le Caire, Tunis puis Paris.
En 1993, il démissionne de l'OLP pour protester contre les accords d'Oslo, estimant qu'ils n'apporteront pas une «paix juste» pour les Palestiniens. Le poète se rend en 1995 dans la bande de Gaza après l'avènement de l'Autorité palestinienne, avant de s'installer à Ramallah, en Cisjordanie. En mai 1996, il est autorisé à fouler le sol d'Israël pour la première fois depuis son exil afin d'assister aux funérailles de l'écrivain arabe israélien Emile Habibi.
En 2000, le ministre israélien de l'Education propose que deux poèmes de Darwich soient inclus dans les programmes scolaires israéliens. Mais le premier ministre Ehud Barak refuse alors que la droite rappelle que Darwich a écrit en 1988 un poème appelant les Israéliens à mourir où ils veulent «mais pas chez nous».
«Un poète pas une cause»
En juillet 2007, il retourne en Israël lors d'un récital donné à Haïfa, devant une foule considérable composée notamment de la plupart des députés arabes de la Knesset (parlement israélien). À cette occasion, il ironise amèrement sur la prise du contrôle du mouvement islamiste Hamas de la bande de Gaza: «Nous avons triomphé. Gaza a gagné son indépendance de la Cisjordanie. Un seul peuple a désormais deux Etats, deux prisons qui ne se saluent pas. Nous sommes des victimes habillés en bourreaux». Le poète critique également la «mentalité israélienne de ghetto» et la politique israélienne qui empêche la création d'un Etat palestinien viable.
Plus récemment, au festival des musiques du monde d'Arles en juillet dernier, il a confié préférer les thèmes universels de l'amour, la vie, la mort à ceux purement politiques de ses débuts et vouloir être lu «comme un poète», «pas comme une cause». Lauréat du prix Lénine de l'ex-URSS, chevalier des Arts et des Lettres (en France), il avait reçu à La Haye le prestigieux prix Prince Claus pour «son oeuvre impressionnante».
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, va envoyer un avion aux Etats-Unis afin de ramener la dépouille du poète. Une cérémonie aura lieu à Amman puis le corps sera transporté à Ramallah, en Cisjordanie. Des responsables palestiniens doivent aussi demander aux autorités israéliennes que le défunt puisse être enterré dans sa Galilée natale. L'Autorité palestinienne a décidé un deuil national de trois jours à la suite du décès du poète.
AFP
09/08/2008