Cette anthologie bilingue est une traduction en vers rythmés et rimés, accompagnée d’une étude substantielle sur l’œuvre de Mutanabbî (915-965), considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps. Déjà de son vivant et encore des siècles après sa mort, les poèmes somptueux et les textes satiriques de ce panégyriste qui a toute sa vie sillonné le Moyen-Orient n’ont cessé d’être lus, commentés et récités.
L'Arche de Noé
KHALED AL KHAMISSI
L’auteur de Taxi campe ici, avec la même verve et le même talent de conteur, douze personnages dont les destins se sont croisés avant ou après avoir émigré à la recherche d’un emploi – ou tenté de le faire.
Le premier, Ahmad Ezzedine, est un jeune licencié en droit qui ne parvient pas à accéder au poste qu’il a toujours ardemment souhaité, faute de pouvoir payer le pot-de-vin “réglementaire”. Il se décide à partir pour les États-Unis et rompt avec sa fiancée. Celle-ci est contrainte par ses parents à se marier avec un restaurateur déjà installé à New York. Il est assisté de son cuisinier et homme à tout faire, Abd al-Latif Awad, entré clandestinement aux États-Unis après un périple rocambolesque en Amérique du Sud. Mais Abd al-Latif ne tarde pas à se mettre au service d’un homme d’affaires véreux qui a réussi à passer sa grosse fortune à l’étranger et dont le fils, Farid, mène à Londres une vie de bâton de chaise…
Défilent ensuite les autres personnages : le professeur de philosophie dans une université britannique, son cousin reconduit en Égypte après une tentative ratée d’immigration clandestine, le jeune Nubien d’Assouan, le passeur débrouillard, la doctoresse copte, la prostituée.
À travers ces portraits se révèle une société sur le point d’exploser, minée par la corruption, la répression politique et les discriminations confessionnelles ou ethniques. À la lumière des événements de 2011 en Égypte, ce roman de Khaled Al Khamissi, paru en 2009, frappe par sa puissance prémonitoire.
Dans les meules de Beyrouth
TOUFIC YOUSSEF AOUAD
Coédition L'Orient des livres
À travers l’histoire d’amour impossible d’un chrétien et d’une musulmane, ce roman prémonitoire paru à Beyrouth en 1973 – soit deux ans avant le déclenchement de la guerre civile – restitue avec une précision étonnante l’ambiance politique et sociale des années 1960 au Liban, et souligne le blocage du système confessionnel qui n’a d’autre issue que ce conflit.
Anima
WAJDI MOUAWAD
Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a faitça, et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernales qui sommeillent en lui, ensevelies dans les replis de son enfance, se réveillent du nord au sud, au contact de l’humanité des uns et de la bestialité des autres. Pour lever le voile sur le mensonge de ses origines, Wahhch devra-t-il lâcher le chien de sa colère et faire le sacrifice de son âme ?
Par son projet, par sa tenue, par son accomplissement, ce roman-Minotaure repousse les bornes de la littérature. Anima est une bête, à la fois réelle et fabuleuse, qui veut dévorer l’Inoubliable.
« J'AIME ÉCRIRE DES DÉBUTS DE ROMANS SANS LENDEMAIN. Peut-être parce que les récits naissants portent encore en eux leur promesse de puissance. Commencer pour s’arrêter quelques lignes plus loin est une manière de cogner le silex. La flamme ne jaillit pas du premier coup.
Pourtant, voici une dizaine d’années, une voix a surgi. Au-delà de ce qui était raconté, ce qui m’a happé fut cette voix qui disait je. Cela n’était pas moi. Arrivant au bout du chapitre, je comprends, sans que cela ait été prémédité, qu’il s’agit d’une voix animale. Un homme, rentrant chez lui un soir après le travail, découvre sa femme sauvagement assassinée, étendue dans son sang, au milieu du salon. Un chat, leur chat, leur animal domestique, raconte la macabre découverte et l’évanouissement de l’homme. Au second chapitre, des oiseaux à la fenêtre de sa chambre d’hôpital tiennent la suite du récit.
J’ai poursuivi.
Anima est sorti du brouillard au fil des ans. Le temps fut nécessaire pour me permettre de voir et d’entendre ce qui s’y murmurait. Tant qu’il n’est pas conjugué, un verbe reste un infinitif. Seule sa fusion avec un sujet précis dans un temps donné le rend actif. Ainsi, ce roman me demandait de conjuguer un infinitif enfoui quelque part en moi. Il m’encourageait à marier entre elles les lignes de crête qui séparent et délimitent les mondes qui me portent : l’animal et l’humain, l’ici et l’ailleurs, les guerres d’aujourd’hui et celles d’hier, et la géographie nouvelle qui me renvoie sans cesse vers une autre géographie, terrible, effroyable. Certains êtres sont stratifiés de mondes lacérés, de terres déchirées, séparées en deux, plaques tectoniques de douleurs, exilées pour toujours l’une de l’autre, exilées de la parole, condamnées au silence et que rien ne saura jamais colmater sauf la dérive des continents qui les fera un jour se rejoindre à leurs antipodes. »
Wajdi Mouawad
L'oeuvre en fragments (NE)
Inédits littéraires et textes retrouvés, rassemblés et présentés par Jacqueline Arnaud
KATEB YACINE
“Ce poète au chant bouleversant, soudainement émergé de l’Algérie profonde, a marqué de son étoile de sang toute la génération de l’après-Seconde Guerre mondiale. Il est urgent de lire, d’entendre aujourd’hui ce grand autre nousmême, ce clandestin qui s’introduit dans notre mémoire à la faveur d’un équivoque passeport de langue française et nous dérange par tant de familiarité mêlée à tant d’étrangeté radicale. Alors que nous nous accrochons aux pans de notre identité, refusant de reconnaître que l’autre, depuis des siècles, est déjà en nous, Kateb nous force à nous décentrer par mimétisme dans son jeu et son monde afin que, dans le jardin parmi les flammes, notre coeur devienne capable de toutes les formes.”
Jacqueline Arnaud, dont les travaux sur la littérature maghrébine de langue française font autorité, a travaillé plus de vingt ans pour rassembler ces textes épars du “Maghrébin errant”. Elle a tout juste eu le temps de voir la première édition de L’OEuvre en fragments publiée, avant de disparaître en janvier 1987.
L'Or de Paris (NE)
Relation de voyage, 1826-1831
TAHTÂWÎ
Le 15 mai 1826, débarquent à Marseille les membres enturbannés d’une mission envoyée par le pacha d’Egypte. Tahtâwî sera le plus célèbre d’entre eux. Parisien durant cinq ans, il observe, écoute, lit, traduit. Il s’initie à la pensée des philosophes des Lumières et dialogue avec les grands maîtres de l’orientalisme.
Il raconte aussi. Car son récit se veut un guide pour les voyageurs, un traité sur Paris et un manuel d’enseignement sur la civilisation occidentale à l’attention des peuples musulmans. L’imâm-étudiant, devenu chercheur d’or, passe tout au tamis : la Constitution et la démocratie, le soulèvement de 1830, l’activité scientifique et culturelle. Et il découvre : la fourchette, les cafés, l’usage généralisé des miroirs, le rôle de la presse, la légèreté des moeurs de la femme… qui l’étonnent. Un livre où, pour une fois, nous sommes vus à travers les yeux de l’autre.