Des œuvres en purgatoire depuis déjà quatre ans et demi
Cela fait déjà quatre ans que le peintre Mohammed Kacimi est mort. Presque quatre ans et demi. Pour un problème de succession et d’héritiers, ses œuvres sont toujours enfermées sous scellé dans son atelier par décision de justice dont les procédures traînent en longueur.
Des amis, en reconnaissance de son immense travail, très créatif et d’un caractère humaniste, ne cessent de multiplier les actions pour faire cesser ce purgatoire injustifié, en contradiction avec les principes de droit de mémoire. L’écrivain marocain Edmond Amran El Maleh dit être très affecté par cette situation qu’il qualifie de scandaleuse. Entretien.
Propos recueillis par Saïd AFOULOUS
Où en sont les choses pour les œuvres de Moahm- med Kacimi ?
C’est une bonne chose que la presse se préoccupe de s’informer pour savoir où en sont les choses concernant ce qu’on peut appeler l’œuvre de Mohamed Kacimi. Comme on le sait, le 27 octobre 2003, Mohamed Kacemi nous quittait. Dans le livre des entretiens avec Marie Redonnet j’ai dit que j’avais vécu la mort de Mohamed Kacimi comme s’il s’agissait de ma propre mort.
Ceci pour dire l’attachement profond qui me lie, à ce jour, à Kacimi et à sa fille Batoule. Mais la question dépasse notre relation personnelle. Je considère, et je pèse mes mots, qu’il s’agit de véritable scandale que, depuis sa mort en 2003 à ce jour, ses œuvres, déposées dans son atelier à Témara, soient toujours mises sous scellés en raison de l’interminable procès de succession concernant l’héritage du peintre. Il ne nous appartient pas, à ses amis et à moi-même, qui nous sommes préoccupés de cette situation depuis le début, d’entrer dans les détails juridiques de ce procès. Ce n’est pas de notre ressort. Mais il y a urgence extrême à faire en sorte que les œuvres de Kacimi soient sauvées en raison notamment des conditions dans lesquelles elles sont enfermées exposées aux intempéries et autres facteurs de destruction.
Qu’avez-vous fait en tant que groupe d’amis du peintre ?
-Au vu de cette situation la Fondation Edmond Amran El Maleh a tenu à la Bibliothèque nationale une réunion grâce à la sollicitude de Si Driss Khrouz son conservateur. A cette rencontre ont assisté nombre de personnes préoccupées par cette situation et parmi elles Abderrahim Sejilmassi et d’autres personnes qui avaient constitué l’Association des Amis de Mohamed Kacimi. A la suite de cette journée, il a été décidé de demander audience au ministère de la Culture. Une délégation a été constituée de Abdelhay Diouri, Abderrahim Sejilmassi, Sylvie Belahcen et moi-même. Nous avons été reçus par madame la ministre Touria Jabrane qui s’est préoccupée de cette situation et a pris l’engagement de mettre tout en œuvre pour trouver une solution à ce problème.
Quelles autres démarches avez-vous effectuée ?
-Nous avons, je veux dire le groupe d’amis du peintre qui s’occupe de cette question, nous avons fait circuler une pétition qui appelle à préserver les œuvres du peintre et qui a recueilli depuis, plusieurs centaines de signatures. Voilà en résumé où en est pour l’instant.
Avez-vous eu depuis une réponse du ministère ?
-Nous n’avons eu aucune réponse précise de la part du ministère de la Culture pour l’instant. Néanmoins nous espérons avoir bientôt une réponse. Entre temps mes amis et moi-même nous entendons continuer nos efforts pour alerter l’opinion publique nationale. Pour cette raison primordiale que Mohamed Kacemi est une grande figure de la peinture marocaine. Son œuvre est partie intégrante du patrimoine national non seulement dans le domaine de la peinture, des arts plastiques mais du point de vue de notre culture en général également.
Quelle dernière image avez-vous gardé de Kacimi ?
Je souviens d’un homme ferme, courageux, toujours vivant. Kacimi avait lutté courageusement contre la maladie jusqu’au dernier jour. Après la grande exposition de Bab Rouah et Bab Lkbir pour laquelle j’avais rédigé le catalogue, Kacimi, comme toujours, avait beaucoup de projets. Kacimi n’était pas seulement un peintre mais un militant de la culture et des droits humains. Dans l’atelier il y a notamment son dernier travail qui m’avait beaucoup impressionné, de grandes toiles très belles avec acheminement vers une certaine figuration.
L'Opinion, Avr. 2008