Le Verre de l'Oubli
Les ghettos, les quartiers marginalisés
Aux façades taguées, erronées
D'injures, de croix gammées noircies;
Les tracas ardus, les soucis
Froissent l'âme, heurtent l'esprit,
Consument le corps et rongent la vie.
Les taudis, la routine,
L'outil et l'usine
Où règne la rudesse des ans
Vouant les sans-abri à la rigueur du temps.
L’ignorance, l’illusion,
Le mal, l’erreur et l’exclusion
Se mêlent au bruit feutré de l’intégration
Pour le Revenu Minimum d’Insertion.
Les visages accablés de misère,
Sombrent dans l’ombre délétère,
S'approprient le verre de l'oubli
Dans le bouge "Fol" chasseur de vie
***
Le Lac des Aurès
Ici
Esseulée, sur la rive de la vallée
Je m'incline, j'obéis au cœur embrasé
Au gré des distances, des songes et des nuits
L'éloignement affecte mon esprit, j'écris :
Là-bas
Un étrange lac habillé de nénuphars,
Les flots verts inondent le fond de son regard
D'où s'évaporent l'ivresse et l'or du soir
Hissant haut la lyre comme un encensoir.
Là-bas
Alors qu'une goutte glisse et se pose
Sur la joue vêtue de rouge et de rose,
Les rêves débordent sur les paupières
Et l'amour réjouit l'émeraude du désert.
Là-bas
Le lac s'endort, ferme les pétales de son cœur
La rosée déchire le silence des fleurs
Ouvre le bal par un prélude d'Orphée
Grisant l'oasis du lac ensorcelée
Là-bas
L'amour frétille, s’emporte sur le pavé,
Voile sa pudeur de feuilles d'olivier,
Convoite la paisible symphonie des flots
Prise au piège comme l'île dans l'eau
Ici
Tard, dans le soir, la muse seule sur son lit,
Propose à Morphée de veiller la nuit
Auprès du cœur peiné, privé de liesse
En attendant le réveil du lac des Aurès.
***
NEJMA
Le corps de l’honneur et la honte
Hurle l’absurde et affronte
L’oubli, qui s’empare de la Cité
Et enfonce les tours éreintées
La chair du délice s’alourdit
Brise les clichés, l’ordre établi
Lapidée, châtiée, enchaînée,
Gagée, à la vente destinée.
Mots lourds, moisis et suspects
Pervers, « sangsus » et déguisés
Mot pèze rime avec baise
Puent l’insensé, les us de la foutaise
Nejma
Dégueule, vomit le fiel,
Et l’écume amère, rebelle
Égarée, s’accroche à la vie
Refuse le déclin des « Cités-agonies »
Le mâle l’exhibe, l’assassine,
L’opprime et la calcine
Sur le flanc obscur désarticulé
L’Astre pleure le corps mutilé
L’âm’évoque la réminiscence
La grâce et la Quintessence
Surgit, court, plonge à-pic
Arrache le corps aux sadiques
Nejma
Le corps bohème, ivre se promène
Extirpe sa peine et sa haine
Inflige à la Cité sa différence
A la source de la jouvence
L’étoile froissée ose penser,
Rêver, défier et danser.
Se venge, met son corps en poésie
Sautillent, danse et s’extasie
La Lune glisse sur la colline
L’enlace, la voil’en mousseline
Se hissent et s’accrochent au ciel
La nuit étal’ encore son miel
Nejma
La belle romance « alizée »
Déploie son voile fin irisé
Frétille sur le fil’Arabesqu’
Et inspire la valse titanesque
La grâce valse sur l’arc-en-ciel
Les « corps’et’graphies » sensuelles
Voltigent, suintent du corps ardent
Et coulent en rivières de diamant
A ses pieds, le monde ovationne
S’enivre de l’essence qui résonne
Suspendue au souffle de la rosée
Qui retentit sur la rose arrosée
Poète et parolière Nacéra Tolba a vécue une partie de sa jeunesse à Constantine. Elle vit actuellement en France où elle a publiée de nombreux poèmes dans plusieurs, revues, anthologies et journaux français et étrangers. Elle a aussi été distinguée et lauréate à plusieurs prix tel que l'Académie de Lutèce, Médaille de Vermeil, Poésiades de Béjaïa, Arcan'Arts Ville de Marseille, Prix Société des Artistes et Poètes Français du Var.
www.arabesques-editions.com/fr/1020061