Traduction: Nafiss Mesnaoui
L'araignée
Mon verre déposé
en désordre
sur la table,
le tableau
suspendu à un mur froid
ne sachant rien du surréalisme,
la fenêtre s'enfuyant habituellement
vers mon crâne bourré de rouleaux de tabac
et du cyclone,
puis cette araignée généreuse dans le petit coin de la chambre
laquelle fabrique sa toile sur mon isolement
laquelle communique le bonjour
à une solitude se distinguant par un bonnet noir
et un visage trop discret
elle s'est infiltrée par l'accès d'une porte
que j'ai laissée entrouverte sur le vent
et sur les esprits errants.
Ô porte
combien je t'ai laissée
seule
dévorant
sans remord la tornade
et les discours négligés
dans cette chambre
accoutumée
à de longs voyages.
Je te remercie
chère araignée
toi rongeant des sofas
sur lesquels nous nous sommes assis
assez longtemps
rongeant une mer
qui nous a tant embrassés
comme si nous étions
incontestablement
ses propres enfants
ses enfants
désobéissants
bien sûr.
Que penses-tu
quand tout seul je m'assois
dans un estaminet
je te porte dans une petite boîte
bien nettoyée
qui satisfait à ton univers
ô vielle araignée
une boîte que j'avais baptisée enfant
petite boîte de l'anomalie?
Ne me demande pas comment…
chère amie
essaye plutôt
d'être à la hauteur des souvenirs!
Combien la mer a essayé
de m'accompagner
je l'ai renvoyée tant de fois
avec ses poissons cramoisis
avec son trouble usuel
et ses cadeaux qui ne finssent pas…
puisque je suis le passionné
de ma chambre
ressemblant à toi
dans ta monotonie
ô araignée.
Deux brumes sont mes yeux.
Combien de cieux
pour les faire baigner toutes dans ce verre?
Tu me tisses combien de cieux ô araignée
puis combien d'autres cieux
me recèlent les murs abattus?
L'araignée s'accroche
à deux seins de manière qu'elle
crée une dame.
Chaque fois que
l'araignée
tisse
un fils
éclôt une parole.
Les mots
qui se vêtent de bonnets noirs
m'attaquent
durant la nuit.
Les mains étranges
hélant d'une fenêtre
communicative par mégarde
en fait sont-ils les mêmes mains
que j'avais négligées
lesquelles avaient couché avec les estaminets
je les ai toutes saluées
de la fenêtre d'un train
courant trop rapidement.
L'esprit errant
avec sa corde à pendre
s'approche par deux pas
tandis que tu tisses une pyramide
secrète
dans la cave obscure
cependant je t'en supplie de me laisser
une lampe bleuâtre
et une feuille
blanche.
Je t'ai adorée
ma chère araignée
puisque tu est semblable à moi
moins courtoise
puisque tu n'ôtes pas
ton chapeau
quand te salue
une femme surgissant
de la lampe.
Miroir
Me transfère une obscurité à une autre obscurité
et me poussent les pluies
solitaire sur le bord de cette rêverie
prévoyant visiter un nuage
prévoyant visiter une étoile
qui ressemble à un visage de gamine
les cristaux de champagne
ne m'éteindront
ne deviendront une patrie.
Nous avons vogué au fond des miroirs
marché longtemps sans pas
demeuré poupées
sous les sabots des chevaux du sultan
ton visage est resté
repoussant
je n'ai pas lâché les tresses de tes cheveux
m'invitant au départ
et je suis resté accroché
au rêve de la révolution de tes visions
Elle vient pendant la nuit
dans ses yeux
le rêve du retour
dans ses yeux
du pain et du vin et des armes
dans ses yeux
une femme qui démoli les barreaux
me faisant des promesses d'un tas de choses
nous buvons un café amer
craquons la patrie comme une lune lointaine
découvrons le sultan comme un visage masqué
découvrons les saints, les encens
tous les autres bienveillants qui s'habillent en bougie
qui se prosternent aux pierres comme
un rêve élevé par le sultan
depuis des centaines de siècle.
Mes yeux bafouillent
milles choses
le battement de ton cœur
communique des milliers de choses
et une chose
les oiseaux de l'éden
ses roses
ses lunes
reposent dans notre univers
dans le miroir,
le sultan ne parvient
à se regarder dans le miroir.
Porte ouverte sur l'inoccupé
La porte accrochée au vide
par un cordon ombilical transparent
déchiffre fixement avec d’énormes et terribles yeux
comme disait mon grand-père éclot d’une chimère très ancienne très puérile
puis ce peintre dont les mains sont lasses
crayonne une fenêtre qu’il accroche au moyen de ses fourvoiements
afin que je puisse y jeter un regard sur mon être en bas
et tomber dans un vide plus tendre
qu’une femme
tantôt je la nomme solitude
tantôt je la nomme futilité
tantôt je couche avec elle dans une glace
réfléchissant un visage postiche
puis cette vieille femme que j’arrive à peine
à reconnaître les rides
dans les vides des intervalles
je l’appelle ma mère
mais ma mère ne fume pas de cigarettes
et ne m’appelle jamais quand le froid augmente
cependant elle lui ressemble suffisamment
quand le froid me grise
mais comment toutes ces villes ont pénétré
par la fenêtre que j’ai négligée
et que le peintre m’a léguée
après son départ
essayant de vider son être
de son être
et comment cette maudite poésie s’est infiltrée
en compagnie du vend froid
pour produire par des gémissements
sur les murets du vide
un vide bleuâtre
et comment je me suis endormi les yeux ouverts
tel les poissons cramoisis de l’aquarium
et je me suis imaginé dans cette situation
je me suis conduit avec le même comportement frivole
me transformant par exemple en un réverbère enflammé
pour saluer les passants dépourvus de leurs traits de visage
leur procurer de nouveaux traits dans des paquets de bonbons
et je regarde la porte devenant une tumeur dans le corps du vide
semblable à un sage hindou
silencieux comme s’il parlait vraiment
et j’observe une autre personne qui jette un regard de la fenêtre
cousant un linceul de tout ce vide
Siège éteint sur la mer
Tu t'assoies sur ta chaise
commode
solitaire
dépourvu de souvenirs
ta chaise mouvante
qui donne sur la mer
ta vieille chaise
qui ne s'est jamais plainte
du vrombissement de tes os rouillés
tu te lèves lourdement
une tortue t'encombre
par des regards risibles
tu mets le thé pour le faire bouillir
ta main se lève comme une chaise
les blattes te procurent un pain
néophyte
et cette lumière qui ouvre les yeux
très difficilement
allumant en toi le passé
se retire d'une lucarne du plafond de ta chambre
ta chaise
seule
écrit des poèmes
poursuit des filles charmeuses sur la plage
tandis que tu portes ton thé
et tu sautilles tel un bouffon sur sa corde
tu ouvres ta bouche sur une molaire unique
riant sans aucun prétexte
pleurant sans aucun prétexte aussi
humant une petite gorgée très difficilement
ta toux fait voler les étoffes
le meuble épuisé
et ta photo quand tu as été navire
sobre adorent les moustiques
ta barbe blanche rongée
les cendres de ta pipe
brûlent
dans un calme abusif la dextre de ta chaise
alors que toi
dans un va-et-vient
tel un voyageur sans haltes
et sans femmes adoratrices
la chaise douce te lit
le récent poème qu'elle a griffonné
tu lui communiques tes troubles d'ouïe
puis la laissant baigner dans sa morosité
se soûlant du bruit de tes gorgées
la chaise sombre fabriquée de bois
tu ne lui a jamais offerte de cadeaux
et tu avais tant joué d'elle pendant ton enfance
avec un couteau tranchant
elle t'avait tant protégé des soufflets de l'amabilité
elle t'avait serré dans la nuit
quand échappent les chats
que tu avais adorés jusqu'à la sympathie
puis toi maintenant feuilletant un journal
duquel émane le goût d'hier
tes lunettes deviennent inutiles pour un déchiffrement
comme tu prétends
cependant tu ne reconnais pas qui te serre
une brioche chaude
pourtant tu l'embrasses et le souffles quand il égare
tu écoutes avec des oreilles éteintes
les notes musicales des grillons
et adore dans les ailes des lucioles
ô