Sentiment
Avec un cœur de chasseur
et des yeux de faucon
avec les souffles d’une proie au bout de la vie
j’écris
Avec la lueur du désespoir
avec le grand abandon
j’écris
et avec une main épineuse, très épineuse
on eût dit que je n’ai jamais taillé mon âme.
L’écriture
Ma main est une réserve
aux confins du désert
son index est une femelle seule
entre les mâles de la faune.
Encre
J’aurais aimé que ma main soit de nuage
pour écrire avec l’eau de l’eau
pour que verdoient mes lecteurs
qui sont de terre.
Subsistance
Je ne demande à la langue
que ce qui me suffirait à assurer
la subsistance du poème.
Hobby
J’élève les petits du désespoir
et sitôt que l’un d’eux
vole de ses propres ailes
je le lance dans le grand vide
de l’espoir.
Fantômes
Dans la nuit de la poésie
il est une main qui rêve
d’être ma main
et elle écrit
des salmigondis de mes poèmes.
Solitude
Dans le fourreau de l’âme
il n’y a qu’une flûte en air
et des odes de silence
…
car je n’ai point de troupeau
dans
les versants de la montagne.
Nota bene
J’écris
contre la plainte
J’écris
contre le regret.
Abandon
Nous étions en rêve
quand la nuit a plongé dans
le sommeil éternel.
Puits
Ma main est une seille
dont je suis le puits
garni des pierres
du désespoir.
Ma main est débordante
et ce sable
est une partie de mon eau.
Ruban
Dans cette nuit enveloppante
quel conteur coupera-t-il le ruban des rêves ?
Pépinière
De quelle pépinière
apportes-tu les plants du gémissement
ô jardinier de la douleur ?
Evacuation
Merci aux rêves des sujets :
car ce ne sont pas les cauchemars des rois
qui abattent la nuit
au matin.
Gésine
Chaque fois que ma main crie de douleur
mes doigts distillent
des mots
d’un silence pur.
Miroir
Comme si j’étais le miroir de moi-même
comme si les autres étaient ma glace de miroir.
Soif
Ma main est un morceau de cactus
qui s’abreuve de la soif du soleil
et ne cesse de verdoyer
au point d’écrire.
Phénix
Qui a répandu les rêves sur nos cendres ?
car après chaque holocauste
le phénix nous tente.
Résistance
Les escadrons des cadavres continuent
à tirer des boulets de honte
sur les vainqueurs en fuite.
Songe
Une fois
ma main a rêvé
comme dans un songe de branches qui rêvent
d’oiseaux et d’eau …
et il lui survient des fleurs de soufre.
Epouvantails
Le champ s’est retiré
…
quant aux épouvantails
ils sont encore crucifiés
au beau milieu de la pitié de l’air.
Tablette
Ma main est une tablette
qui épelle l’argile de l’âme.
Inhumation
Creusons
profondément
dans le cimetière du matin
car le cadavre de la nuit est massif
et faisons vite
car on risque de ne pas le mettre en lumière
avant que ne s’y déclenchent
les corbeaux.
Cruauté
Quand tu as raté la proie
tu as touché la jambe de l’air
…
ne t’excuses-tu pas, chasseur ?
Place
Cinq guerres
et une seule trêve
pour compter les dégâts et le butin
on eût dit que ma main était une place d’honneur.
Hache
Ô bûcheron
plante ta hache
dans
le cœur
de la forêt
et demande pour celle-ci l’hiver et le pardon
puisse-t-elle devenir un arbre.
Sacrifice
Des rêves des morts
nous te taillerons des étendards
et avec le gémissement nous brocherons ton hymne païenne
…
car nous sommes tes enfants obéissants
ô destruction qui mérite tant notre sacrifice.
Reconnaissance
C’est bienfait de ta part ô terre
que tu portes
moult lambeaux
en guise de décorations.
Peur
De quoi avez-vous peur
Sire Poète
vous avez
une armée de sens ?
Cristal
Quels pleurs précieux !
point de larmes
mais plutôt le cristal de la langue.
Testament
…
Quant aux gazelles que
mon âme dévoilera
elles sont mon cadeau
pour vous tous :
comblez-les de prairies.