Jean-Luc Steinmetz réédite la biographie consacrée au poète, complétée par de nouvelles études.
«La poésie n'est pas uniquement un produit écrit, une succession d'images et de sons, mais une manière de vivre», affirmait Tristan Tzara, fondateur du mouvement Dada. Pensait-il à Rimbaud en écrivant cela? Le génie foudroyé n'a pas seulement inspiré ses successeurs par la grâce de son verbe. Sa vie errante, provocante et dissolue les a fascinés, comme le furent - et le sont encore - ses nombreux lecteurs. Mais comment retracer son existence, l'homme aux semelles de vent n'ayant jamais cessé de fuir? Quel ouvrage pourrait y parvenir?
Jean-Luc Steinmetz, longtemps professeur à l'université de Nantes et éditeur des oeuvres complètes de Rimbaud (Garnier-Flammarion), nous propose une nouvelle édition de sa fameuse biographie écrite en 1991, complétée au vu des études rimbaldiennes. Des découvertes récentes l'ont aidé à préciser le portrait, comme le fameux texte Le rêve de Bismarck, écrit pour Le Progrès des Ardennes et signé du pseudonyme Jean Baudry. Steinmetz l'a bien compris: l'auteur des Illuminations cherchait avant tout à modifier le réel. La poésie va d'abord l'y aider. Il «exhume des visions, travaillées par son inconscient». Mais seules les déceptions l'attendent. Il partira sur les routes, «quitte à rencontrer le pire, oser être le mouvement même en lutte contre l'accablement».
Du collégien de Charleville (cette «cité idiote», marquée par l'absence du père) au Rimbaud abyssinien, échoué entre Aden et Harar, en passant par le «pitoyable frère» (Verlaine, bien sûr), le biographe ausculte les poèmes, décrypte les nombreux courriers, la correspondance africaine du «voyageur toqué» occupant plus de pages que sa formidable poésie dans les oeuvres complètes. Il nous aide à comprendre un individu voué «à une insatisfaction, à la fois dramatique et merveilleuse», un homme «de désir habité de projets multiples» dont l'absurdité s'est emparée.
Les rimbaldiens en herbe, après cette pédagogique mise en bouche, ne manqueront pas de poursuivre l'observation de l' «étoile filante de la littérature» à travers d'autres approches, également devenues des classiques du genre, par exemple Le temps des assassins de Henry Miller et le Rimbaud en Abyssinie d'Alain Borer. Car un seul livre, fût-il excellent, ne parviendrait à résumer «un homme arrivé de toujours qui s'en ira de partout», comme le disait lui-même le poète.
Arthur Rimbaud. Une question de présence
Jean-Luc Steinmetz,
TALLANDIER
490 p.
Lire,
juin 2009