Tu marches sur des pas indécis,
Asservis à ta colère.
Tu entraînes tes regards,
Cruelles interrogations,
Vers le royaume des réponses.
Mais ta cape te fatigue
Et le fardeau s'alourdit
A mesure latente
A mesure éclatante
Que ton regard s'enhardit.
L'audace mortifère
Fascine ton regard
Qui t'entraîne…
L'infini est enfer.
La crête
La poésie me regarde
Dans mon non-être,
Dans ma confession mercuriale,
Dans l'ivresse du temps scellée de désaveu
Et la glose de l'absurde
Qui monte des cônes de la colère,
Dans les antinomies
Et les brisées de la pureté
Et désabusée me dit:
‹‹ Fais de moi une cupule stérile
Plantée dans le feu décrépit
A la source même de la résurrection. ››
Le poète consent à la mort incarcérée,
A la mort éblouie de la poésie
Qui surplombe de son œil calfeutré
Mais plus pénétrant que jamais,
Plus source que la source de l'obscur,
L'océan tumultueux des renégats,
Saccageant la mémoire de la ligature
Au fond, à l'origine, à la fin
Des ondulations, au sommet
De la noyade qui agite les frissons
Sans rivages des témoins au cours
Du voyage sans mémoire de la noyade.
Que de traces sans témoins
Que de traces sans mémoires
Que de traces
Et de crédences
Sans cœur et sans âmes
Sans fenêtres et sans cieux
Que des crénelures en cercles
Fardées et échevelées
Déportées, inhumées.
Désavouant le centre et le nœud.
Le poète ne voit plus où fermente la vie
Mais appelle sa renaissance,
Et la pourchasse,
Intuition carnassière,
Mémoire lithophage,
Là où la fermentation
Monte la crête de la noyade.
Voyage des ondes,
Des énigmes.
Impossible retour de la poésie
Impossible retour à la poésie
L'ignorance
Dans l'ignorance
J'ai vu les affidés
De la citation
Eriger le socle de l'indifférence.
Dans l'ignorance
J'ai vu le sceptre
Ecraser la chrysalide
Pour mesurer les métamères
Dans l'ignorance
J'ai vu la grue
Se déhancher pour séduire le paon.
Dans l'ignorance
J'ai vu un homme
Glapir, un autre rugir
Au lieu de se taire.
Dans l'ignorance
J'ai vu un rire hilare et chevaleresque
S'accuser de pénitence cafardesque
Et pensif, il se dit: je suis
Le sourire brisé de la Guernica.
Dans l'ignorance
J'ai vu la tradition Nobel
Honorer la mitose de l'intrigue
Et dénigrer la femme joyeuse
Qui balance son sac
Dessinant avec la féminité désinvolte
La spirale génétique de l'ingratitude.
Dans l'ignorance
J'ai vu la terre
Au centre de l'univers
Regarder le soleil
Scruter de son œil achrome
L'autodafé du savant.
Le bûcher en dit:
Le soleil est révolution de l'autodafé.
Ce qui m'importe
" Ce qui m'intéresse
N'est pas toujours
Ce qui m'importe."
Ce qui m'intéresse
Doit me déporter
Au-delà des écluses
Qui me scandent.
Au-delà des fac-similés
Des dogmes, des icônes
Et des idoles.
Ce qui m'intéresse
Doit me séparer
De ce qui m'importe
Pour habiter le cinabre,
Exorciser les gisements
Et démonter le météore.
Ce qui m'intéresse
Doit me quitter
Pour échapper à mon adoration,
Doit me nier dans le flux
Des nuances qui désavoue mon identité.
Ce qui m'intéresse
Doit libérer
Ce qui m'importe
Pour que le même
Ne se ronge pas
Dans la mort
Du sacrum,
Dans le salpêtre
De la répétition
Ce qui m'intéresse
Ne doit pas
S'oublier dans
Ce qui m'importe
Mais ouvrir
L'exode champêtre
Des passions aux éperons de l'impossible.
Pour s'imprégner
Du songe foetal
Au – delà de la ciselure
Sculpturale de l'érosion.
Ce qui m'intéresse
Doit devenir
L'impossible
De ce qui m'importe.
Ce qui m'intéresse
C'est le rien
Qui mesure
L'apnée de la vérité
Au fond de la question
Et de la métaquestion
Au fond de la réponse
Et de la métaréponse.
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La poésie comme catachrèse de l’identité
Ce qui, dans la poésie, s’annonce comme nouveau ne pétrifie pas l’existence, ne devient pas un principe de sédentarisme amenant la conscience à un état statique de la référence, de l’analogie, de la correspondance analogique, de la mimésis et de l’idéaltypie. Dans le nouveau poétique la vie transcende les racines. L’initial est dépassé par le nouveau qui est conscience éternelle du sublime. La philosophie voit le sublime d’un œil rétrospectif. Elle lui cherche toujours un fondement antérieur dans une sorte de projection nécessaire de l’enracinement et projection systématique de la continuité. Une continuité qui impose la logique de la légitimité. Dans la philosophie le sublime se projette légitimation d’un temps unique, supérieur par son antériorité, supérieur par une sorte d’antériorité ultime. Le sublime est vection antérieure de l’idéal. Le sublime est ce qui fonde un temps ultime de la présence.
Il y a toujours dans le sublime philosophique un artifice de la réfection où la continuité, et peut-être l’éternité, est un anté-temps. A travers cette logique de l’antécédent le nouveau ne peut être qu’un exemple. Toute la conscience est dès lors une figure de la répétition, une métaphysique de la référence où se démythifie le mythe, où l’illusion d’une présence informe est radicalement écartée. Car tout doit prendre forme dans sa cause intrinsèque et sa finalité limitée. Tout doit prendre forme dans sa formalité intrinsèque. Il y a nécessité du continu réel sous forme de cohérence logique entre l’idéal et la réalité. Ici appert d’une évidence extrême la nécessité éthique, l’apriori éthique du discours philosophique : toute la continuité doit être un temps-exemple de la référence. Ce schème éthique inscrit la parole dans la conformité qui adialectise le sens et la conscience selon le continuum idéal du salut et de la paix intérieure. La philosophie fait du discours un messie et de l’éternité une attente éthique de l’exemple. Le point de vue de la poésie est bien sûr totalement autre. La poésie est l’informe du temps, de l’exemple et de la référence. Elle est négation de l’idéalité consistante d’un temps démontré et réduit par l’archétype, postulé par la présence qui se fie au plein droit de la présence, de la continuité. Elle est négation de l’idéalité qui parcourt les veines de l’exemple, de l’imitation, en faisant de l’énoncé un succédané du temps et de la conscience un figement de la parole. L’exemplarité fige la parole et conduit la poésie à l’informe où se perd toute consistance idéelle et idéale du temps. Au lieu de l’exemplarité qui sépare le temps de la conscience au profit de l’Idée qui alourdit la conscience par la référence, la rétrospective et l’antériorité, la poésie cherche la réduction de la constance donnée comme référence pour un temps de l’anticipation, un temps de la complémentarité plénière entre le temps et la conscience. Pour la poésie seule l’anticipation est véritable liberté de la conscience. La poésie cherche une complémentarité de l’exception situant le temps dans l’expérience totale de la conscience. La négation doit être à l’origine de l’anticipation comme la totalité est à l’origine de la négation. Dans la poésie l’anticipation est au cœur du temps et de la conscience, au cœur de l’éternité comme négation de la présence, comme négation de la continuité. La poésie est une éternité de la rupture dans l’essence de l’anticipation et de la totalité. Il faut dire que pour la poésie l’éternité est toujours liée à une absence, à une inédition de la conscience imaginée comme impossible de la présence, schème déterministe par excellence de la philosophie. La poésie démythifie l’archétype par l’autre versant de l’idéal qu’est l’intension ou l’arbitraire. Or l’idéal archétypique ne fonctionne que dans l’extension. Sa figure extensive imposée par la philosophie est à la fois réduction de l’être à l’exemple et réduction de l’exemple à la cause déguisée en fin suprême. La poésie dans cette optique doit être une catachrèse de l’homologie ou de la présence. Une catachrèse de la substance. La métaphore vive de la poésie est une catachrèse de la substance ; c’est l’absence enfin incarnée dans sa totalité comme reformulation radicale de la présence, comme reformulation catachrétique de l’identique.
La philosophie cherche cette conscience éternelle de la présence selon une disposition synthétique de la révélation, du sublime. Mais la négation poétique fait du nouveau un non lieu de la synthèse. Il n’y a pas dans la poésie un apriori de la constance, un sens où la vérité se donne expérience totale de la présence. Epistémologiquement parlant de l’affirmation. La poésie est une expérience totale de la négation. Le nouveau déracine le sublime. La négation déracine le sublime. Elle le vide de son appétence ésotérique de la fascination, de la fascination comme voix univoque de la présence, de l’unité comme voix de la fascination, en lui léguant le vide ou la dispersion de l’exotérique et l’ésotérique de l’absence. La négation est une appension de la fascination. La négation est là pour maintenir le prolongement du déracinement et dévoiler l’état inachevé de l’absolu. Elle est là au-delà de ses limites et de ses figures, dé-figurée dans son illusion, sans visage, au-delà de son « imagéité », de son imaginalité, répudiée par ce qui la pourchasse, par sa propre nature, et par son efficience, contre la fascination qui s’enlise dans l’idolâtrie. Par la négation donc la poésie dé-fascine le sublime en le portant à sa vérité de l’informe autant qu’à sa vérité de la contingence. La négation poétique vient dans l’image illusion de l’image. Elle vient dans l’image une agonie de l’image. Elle prolonge le sens comme illusion du nouveau et le nouveau comme illusion de la présence. Ce qui confirme le déracinement c’est l’absence comme sublime illusoire de la présence. C’est là le sublime de la Différence, et non de l’Harmonie, chanté par la poésie : la présence comme totalité doit comprendre l’absence comme totalité. La différence est cette confusion dégénérée qui sublime par la contradiction, par le chaos et l’anarchie, le désir de la totalité. Le sublime est une totalité de désir. Une présence infidèle, c’est-à-dire éclatée, annonçant le désir positif de la totalité, la totalité négative du désir, le désir autoptique du désir ; cette présence retrouve sa possibilité réelle de la vision, et plus important encore de l’auto-vision. Cette une présence de la vision qui se regarde. Une présence au sommet de la vision, une négation ou absence au sommet de l’autoptique, de l’autovision.