S’il m est donné le don
de marcher doucement sur un étang
sans en remuer le fond
de fixer avidement
avec des yeux pleins de compassion
la danse ininterrompue des ans
de revivre comme en un rêve
toutes mes délicieuses prouesses d enfant
d énumérer fièrement un par un
la myriade infinie de mes surnoms
de croire encore le coeur innocent
qu il arrive parfois que le ciel descend
attendri pour caresser les visages ternis des souffrants
de croire encore plein de foi
que le désert n est que le jardin d un négligent
que les nuages ne sont que des tapis volants
s il m est donné le don
d embellir avec des météores brillants
les rêves nocturnes de tout somnolent
d affirmer en extase
que les morts secrètement
continuent leurs histoires autrement
s il m est donné le don
de délaisser les blessures de la mémoire
les filets noirs de la colère
les méandres tristes de la misère
les discours implorant d un oiseau devenu
conseiller militaire
s il m est donné le don
de scruter avec les yeux de l étonnement
comme dans un berceau gondolant
le charme fluvial de l horizon
s il m'est donné le don
d avoir le dédain d un cerf volant
l élégance du désespoir d un chevalier moribond
la gaieté d un hérisson
j aimerais de plus l inquiétude d un vent qui change éternellement de direction
la folie ontologique de la guerre des saisons
qu en fin je confondrais le miracle de l homme volant
avec la rébellion de l éléphant
le mystérieux voyage de la sagesse
avec la vengeance des hirondelles
s il m est donné le don
d être complètement indiffèrent aux mauvaises allures de la rudesse
les caprices archaïques de la finesse
s il m est donné le don
de tenir en suspension
timide et raillant le refus élégant
d une femme que j ai aimé il y a longtemps
j aimerais mieux mon entêtement
d être éternellement
un voyageur fuyant
de quelque chose que je ne comprend pas