L’amitié
de ses vagues, j’avais une couronne qui couvrait
les poumons,
je devais sillonner son esprit,
mordre ses lèvres
pour qu’elles reprennent le miel pur de la mer
« Isabelle »,
la couronne a cédé au coeur de l’amitié
et sur la rive, les rumeurs les coquillages miaulent
seuls,
et l’écume
remplit la poitrine des amants.
La nostalgie
J’avais à m’entendre avec le vent
après avoir été chassé
par les années de l’Eternel
après que les fifres de la nostalgie
dans mon corps eurent sifflé
après qu’ont disparu les amis les poètes
les révolutionnaires les rêveurs ! ! !
comme elle pépie la nostalgie
lorsqu’un homme en pleine chute
scrute des seins en conflit !
Les oiseaux
J’avais à m’entendre avec le vent
à m’en aller en avant
courir dans les virages et les campagnes
la tête bandée, comme à mon habitude,
béret de l’espérance
au lieu de la cape de l’éparpillement
et des bracelets du souvenir
j’avais à porter l’esprit et la parole
les oiseaux regardaient avec dégoût
les tigres qui dévoraient une part de l’univers
L’allégresse
O malheureuse prétention
il t’était possible de me servir
une seule fois et pour toujours
le vent doux de l’allégresse
quand l’allégresse est en fête
ses mains ne sont plus rivées aux brumes
ses lèvres ne sont plus aussi loin que nuages
son soleil n’est pas une pomme épluchée dure
et pour elle, ma voix n’est plus rétive ni sèche
comme une larme d’automne
Les rumeurs de la mer
la première forêt m’a libéré
dans un matin agité
le vent a ramassé mes pas
la neige est devenue pyramide scintillante du
fond des nuits
et les chansons du désir sur la plage hurlent
voici l’oeil d’incendie
tandis que je contemple la mer, le vice m’est apparu
sur ses mains émeraude
et les étoiles
se sont parées de robes de bracelets et d’un parfum
qu’elles ont arraché aux sifflements du vent
dans les vagues elles sont parties, de plus en plus doucement.
L’espérance
j’avais à m’entendre avec l’éclair
et m’en aller
à pieds
révéler une beauté d’autrefois
chercher
dans cet appel floral
une
espérance
Colline
je me dis : si je m’étendais sur la colline à l’ombre de cet arbre
plus tard je me lèverais
pour en cueillir les fruits
pour jeter leurs épluchures à un oiseau amer
qui au-dessus de moi plane
ou je laisserais ces fruits
à un autre remords
qui les pillerait
*
la colline s’étend
puis avance altière
comme un cheval rétif
comme une vie révoltée
*
je me dis : c’est assez ! Je dois
retourner dans mon abri
le crépuscule est là
*
je ne savais pas
que j’allais chuter
des hauteurs de la vie
Remords du corps
de ce corps je n’ai hérité
que ses écailles éparpillées
deux mains comme un balai dans une tempête
et les lèvres d’un cri éteint
*
je n’ai pas hérité des toiles de la trahison
comme celle des araignées
ni même des plaintes d’une éphémère prostituée
ni des visions de l’inconnu
ni des fourmis coriaces du cimetière
et chaque gémissement qui m’échappe
remue et déferle
contre les bornes d’un ciel trompeur
*
je voudrais que ma bouche
s’accorde à vous, ô incendies despotiques
je voudrais me recréer
pour que mes cris répondent à ton extase
*
haut s’envolent les pieds
alors que ma tête pend
vers la chute d’une étoile
*
de ce corps je n’ai hérité
qu’un remords
ne pas être à jamais éternel.
L'auteur :
Né à Babylone, poète irakien connu, Hatif Janabi écrit aussi des essais. Il enseigne les langues orientales à l’université de Varsovie où il vit. Il traduit en arabe la littérature polonaise - poèmes et autres textes littéraires - et, en polonais, la poésie arabe contemporaine. Ses vers ont été publiés en plus de quinze langues et repris dans une vingtaine d’anthologies. Auteur de 18 livres, recueils de poèmes, essais et traductions, Hatif Janabi projette la publication de six livres dont trois anthologies de poésie, deux recueils et un essai. Il est le lauréat de plusieurs prix, parmi lesquels celui de la poésie traduite en anglais, aux U.S.A., en 1995, ainsi que celui de la Poésie Mondiale à Varsovie, en 2005. Il écrit et publie en arabe et en polonais. Invité à de nombreux congrès, festivals et salons du livre, c’est aussi un grand voyageur tourmenté qui écrit :
« Le poète est fasciné par la lumière et l’obscurité
par un poignard qui réjouit dans la souffrance
par le vent et la ruine et l’écho
par une tentation vorace. (...) »
( extrait traduit à partir d’une publication anglaise de Khaled Mattawa).
*Extraits de « Les pas du désert »
Traduit de l'arabe par Moncef Ghachem et Béatrice Libert
*Texte de présentation rédigé par Moncef Ghachem et Béatrice Libert.