Les Plumes
« (…) La prose de Salim Barakat, comme celle d’un Lezama Lima, est un constant cadeau d’inventions, d’images inspirées, de métaphores frappantes, de tournures imprévues, d’étincelles poétiques, de vols ailés. Mélange prodigieux de réalité et de rêve, de légende et de chronique amère, elle n’obéit pas aux lois du temps, ni à celles de l’espace. Le texte vagabonde dans une espèce de géographie visionnaire, de balises fugaces et changeantes : le Kurdistan mille fois rêvé contraste avec le Chypre vécu, l’enfance avec l’âge adulte, le réel avec le fantastique. Mem, le personnage principal, se transforme tout au long de l’oeuvre, il peut être oiseau ou chacal, il converse avec les hommes et les animaux. La création la plus libre de Barakat transgresse les frontières du vraisemblable.
Roman réellement innovant, sa riche et belle texture ne doit rien, comme nous avons souvent l’habitude de le dire, à un Faulkner ni à un Garcia Márquez. Sa densité littéraire se nourrit de mythes, de légendes, de réminiscences soufies, d’évocations de tragédies présentes et passées, qui recomposent en filigrane l’histoire mélancolique du village. Les Plumes constitue un authentique festin pour cette espèce menacée d’extinction que nous sommes, nous, les amoureux de lecture et de relecture de toute grande création romanesque. »
Juan Goytisolo
Mem, un jeune Kurde de Syrie, est envoyé par son père à Chypre, où il doit entrer en contact avec un personnage mystérieux, le “Grand Homme”. Six ans plus tard, il n’a pas réussi à remplir sa mission. Usé par sa quête improbable, en proie aux affres de l’exil, il envisage d’abréger ses jours. Défilent alors dans sa mémoire les souvenirs de Qamishli, sa ville natale, des anecdotes sur sa famille haute en couleur, les vicissitudes de son peuple dupé par l’histoire, les légendes véhiculées par son père au sujet d’un âge d’or où les Kurdes auraient vécu libres et prospères…
Six ans plus tôt. Mem vit à Qamishli avec Dino, son frère jumeau. Etrangers dans leur propre pays, le régime syrien leur ayant toujours dénié le droit d’être kurdes, ils mènent une existence précaire et désespérée. Un beau jour, Mem s’évanouit mystérieusement dans la nature et, peu à peu, le doute s’installe : Mem est-il parti à Chypre ?
Serait-ce plutôt Dino ? La vie de Mem ne serait-elle pas le rêve de son frère ? Dans une prose somptueuse portée par un souffle épique qui mêle figures de l’histoire et héros légendaires, qui fait dialoguer oiseaux, plantes, anges et cours d’eau, Salim Barakat a peut-être offert aux Kurdes – en langue arabe, paradoxalement – le roman le plus puissant sur leur quête de liberté et de dignité.
Salim Barakat
Salim Barakat est né en 1951 à Qamishli, Syrie, dans une famille kurde. Après avoir milité au Liban dans les rangs de la résistance palestinienne, il s’est expatrié à Chypre, puis en Suède où il réside actuellement. Son oeuvre, aussi poétique que romanesque, compte déjà plus de trente-cinq ouvrages qui se distinguent par leur grande richesse thématique et une virtuosité verbale sans égale dans la littérature arabe contemporaine. Actes Sud a déjà publié Le Criquet de fer (1993, Babel 2012), Sonne du cor (1995), Les Seigneurs de la nuit (1999) et Les Grottes de Haydrahodahus (2008)