Traduit par
Mohamed Khmassi
L’eau
mon amie
je t’invite à prendre un verre de soif.
Installe-toi bien
cactus
le récit de la soif est long et épineux.
L’homme est l’eau de la femme
la femme est la soif de l’homme.
La rivière est une plume à encre
La mer le livre de la soif.
Le mirage ment
au désert
qui n’en a que grand’soif.
Le silence est aussi une soif
quant aux voix
ce sont des murmures tout ruisselants.
L’obscurité est une soif noire
et seule la lumière
l’ignore.
L’œil est une source
et le monde tarit
s’il vient à tarir.
L’eau est une mort,
murmure le feu.
Pour combien de soifs
la bosse suffira-t-elle
ô chameau
méhariste de la patience ?
Le mirage est l’éclair de la soif.
Quand l’arbre a soif
il prend son ombre pour
un bûcheron.
Quelle thériaque faut-il
quand les vipères ont soif ?
Le cœur est le grand puits de la soif
où
l’amour
est une goutte unique et décisive.
Dans le fleuve de la vie
la vieillesse n’est que des pierres qui regardent
disparaître
les flots des années.
La tristesse est un champ
avoisinant la plaine de la joie
et une rigole de larmes
est le conduit qui mène vers eux deux.
L’âme est un calice
rempli des vertiges de la vie
le corps continue à y boire
jusqu’à la sobriété.
La terre assoiffée
halète et exhale l’absinthe et l’armoise.
Une sucée de lumière
et jamais le papillon n’aura soif.
Ne jamais butiner une fleur deux fois :
promesse de l’abeille au nectar.
La dépouille d’un ruisseau
est une gorge fendue
sans chant.
Qui pourrait le croire ?
Les noyés
flottent
à cause
d’une intense soif.
Est-ce donc ainsi
que le vin se venge
de la soif des vignes ?
Si seulement l’eau était du bois,
rêve le feu.
Une graine à deux cotylédons d’argile
qui s’étrennent au point
que d’eux jaillit
l’étincelle de l’eau.
L’air est blême :
il pourrait contracter de la pluie.
Les sables ne se désaltèrent jamais
comme s’ils descendaient de l’eau.
Quelle pluie faut-il
pour qu’en vous se déclenche la vie
ô pierres
os de la terre ?
Les minéraux ont soif
ô, toi, or.
Comment l’eau se désaltère-t-elle
quand elle a soif ?